Au début, on n’y fait pas vraiment attention ou on considère que c’est un cas particulier : « tiens, j’ai vu une perruche, sans doute un oiseau échappé d’une cage ». Ou bien, on entend que les habitants de telle région sont gênés par des frelons. Mais au fil des années, ces nouveaux arrivants sont devenus notre quotidien ; en prenant l’exemple de trois espèces visibles dans notre région, nous allons voir quelles sont les causes et les conséquences de ces arrivées.
La Perruche à collier,
En premier lieu, l’espèce la plus visible (et la plus sonore), la Perruche à collier (Psittacula krameri) qui est un grand oiseau à la queue effilée avec un plumage vert vif et un bec rouge. Les deux sexes sont semblables à l’exception d’une bavette noire sur la gorge du mâle.
Originaire d’Afrique subsaharienne et du sous-continent indien, la Perruche à collier s’est installée en France à partir d’oiseaux échappés de captivité ou relâchés (le cas d’oiseaux échappés des aéroports est souvent cité). Les premières observations remontent à 1974 en Ile-de-France. Pour l’instant, cette espèce est surtout présente dans les espaces suburbains des grandes villes (jardins, parcs) en Ile-de-France et dans certaines grandes villes de province. Son expansion hors de son territoire d’origine est liée aux hivers plus doux que l’on connait.
Dans notre secteur, la progression de cette espèce en l’espace de quelques années est impressionnante : d’individus isolés vus dans les parcs, on est passé à des oiseaux volant en permanence dans les arbres de nos jardins.
Si on peut les voir posés sur les fils électriques à côté de nos paisibles pigeons, le comportement des Perruches est très différent : ce sont des oiseaux remuants qui se déplacent en bandes en poussant des cris sonores. Cavernicoles, leur comportement agressif leur permet de s’installer dans les cavités occupées par d’autres espèces (pic, chouette, écureuil roux).
La Perruche à collier va poursuivre son expansion géographique et elle continuera à faire partie de notre paysage (sonore). Pour l’instant, il est difficile de savoir si la population va se stabiliser : en l’absence actuelle de prédateurs (le hibou moyen-duc, l’Autour des palombes, l’Epervier d’Europe, le Faucon hobereau ou le Faucon pèlerin pourraient peut-être le devenir), cette expansion va dépendre du nombre de cavités disponibles et éventuellement des méthodes de régulation mises en place pour limiter leur nombre.
La Vergerette de Sumatra
Plus discrète, mais non moins tenace, la Vergerette de Sumatra (Conyza sumatrensis) a utilisé une méthode simple pour envahir nos villes : elle a pris le trottoir. Cette plante est en effet la grande gagnante de l’arrêt de l’utilisation des produits phytosanitaires pour désherber l’espace public : elle s’est maintenant implantée dans tout le long des trottoirs s’enfonçant dans l’interstice entre les maisons et le bitume. Elle occupe toutes les zones délaissées et perturbées où la végétation concurrentielle est affaiblie ou absente.
La Vergerette de Sumatra s’est répandue chez nous plus tardivement que la Vergerette du Canada (arrivée en France vers 1650) mais elle tend à s’étendre beaucoup plus rapidement notamment dans les villes. Pour limiter l’expansion de cette plante, l’arrachage est la méthode recommandée mais n’espérez pas l’éradiquer complétement.
Le Frelon asiatique
Le Frelon asiatique (Vespa velutina) a été observé pour la première fois en France en 2004 et il a maintenant conquis tout le territoire national. Pour nourrir ses larves, le frelon capture différents insectes en particulier des abeilles qu’il attaque en se plaçant en vol stationnaire au-dessus de l’entrée d’une ruche (chaque frelon peut ainsi capturer une cinquantaine d’abeille au cours de sa vie). Il capture également un grand nombre d’espèces d’insectes (au total, un nid peut consommer plus de 11 kg d’insectes par an).
Contrairement à une idée répandue, le Frelon asiatique est plus petit et moins coloré que le Frelon d’Europe mais son nid est plus volumineux ( jusqu’à 80 cm de diamètre) et il est souvent situé en haut de grands arbres. Hormis lorsqu’on est à proximité de son nid, ce frelon est peu agressif. A l’avenir, le territoire du Frelon asiatique va continuer de s’étendre et il restera pour toujours chez nous.
Quelle évolution pour les espèces exotiques envahissantes ?
Les invasions d’espèces exotiques envahissantes sont l’une des grandes causes de perte de la biodiversité ; après une période d’acclimatation, une espèce envahissante peut connaitre une phase d’expansion fulgurante du fait de l’absence des ennemis naturels (prédateurs, maladies, parasites) qui limitaient leur prolifération dans leur aire d’origine. Elles surpassent souvent les espèces locales pour les ressources (espace, lumière, nourriture) et le changement climatique peut favoriser leur déplacement. Dans ces conditions, l’expansion des espèces envahissantes ne s’arrête que sur des barrières naturelles (mers, montagne) ou environnementales (températures ou conditions du sol non propices).
Au fil du temps, l’adaptation d’espèces locales peuvent contribuer à limiter l’expansion de l’espèces envahissante et on peut parfois observer une certaine stabilisation de l’espèce. L’action humaine peut aussi dans certain cas limiter l’expansion mais cette action demande des moyens importants.
Les seules vraies solutions sont de réduire les taux d’introductions et de limiter la propagation des espèces exotiques envahissantes le plus tôt possible. Ensuite, il est bien souvent trop tard pour agir efficacement. Il est également nécessaire de protéger et favoriser la diversité des espèces animales et végétales indigènes. Les écosystèmes où la diversité en espèces est importante sont plus stables et résilients aux perturbations, notamment à l’implantation d’espèces exotiques envahissantes.
Bon, on ne vous a pas parlé du Moustique tigre (Aedes albopictus) mais il est également arrivé chez nous…
En première partie de de notre assemblée générale qui se déroulera le 24 janvier 2024, Séverine Claire et Karin Caporal présenteront leur film sur l’attaque des perruches à collier contre les pics. La séquence ci-dessous dévoile la stratégie développée par les perruches pour récupérer les loges des pics (photos Séverine Claire).
Pour tout savoir sur les espèces exotiques envahissantes
Le Centre de ressources des espèces exotiques envahissantes
Un exemple d’adaptation d’un prédateur à l’arrivée d’une espèce envahissante
Une vidéo sur les espèces exotiques envahissantes pour mieux comprendre les impacts et la dynamique de ces invasions.
Les invasions biologiques : une menace pour les écosystèmes et pour nos sociétés
Plan national de lutte contre le Frelon asiatique (ou frelon à pattes jaunes)
A l’occasion de cet article, nous avons une pensée pour Philippe Delclitte qui nous a quitté la semaine dernière. Adhérent de longue date de notre association, grand connaisseur des plantes invasives, il essayait par des arrachages fastidieux, d’en limiter la progression sur notre territoire.




