Le sinistre Cynips

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Si vous vous promenez dans les forêts d’Île-de-France ou si vous avez des châtaigniers dans votre jardin, comme c’est souvent le cas dans le quartier des clairières à Verneuil-sur-Seine, vous avez certainement remarqué qu’ils sont mal en point. Les jeunes rameaux sont déformés et au lieu de porter des feuilles et des fruits, ils ne donnent qu’une pousse très courte avec quelques feuilles déformées par des protubérances brunes ou rouges (appelées galles). A terme, ces malformations provoquent une perte de vigueur et la mortalité des rameaux et peuvent conduire dans certains cas à la mort de l’arbre.

Alors qu’arrive-t-il à nos châtaigniers ?

Parlons d’abord de l’arbre : le châtaignier ou châtaignier commun (Castanea sativa) est un arbre de la famille des fagacées (comme le hêtre et le chêne). Son aire d’origine est comprise entre le Caucase et l’Arménie ; ce sont les Grecs qui diffusèrent la culture de la châtaigne sur tout le pourtour méditerranéen. Ainsi l’arbre est particulièrement célèbre pour sa capacité à remplacer les céréales et il est devenu le symbole de la survie des populations pauvres du Moyen Âge.

Seulement voilà, la multiplication des échanges commerciaux entre les pays favorise la dispersion de certaines espèces animales et végétales en dehors de leurs aires de répartition d’origine. Quand ces espèces trouvent dans ces terres d’accueils des conditions favorables à leur développement, elles s’y installent et peuvent rapidement devenir invasives.

C’est le cas du Cynips du châtaignier (Dryocosmus kuriphilus), originaire de Chine ; il parasite plusieurs espèces de châtaigniers chinois. Il s’agit en fait d’une petite guêpe d’environ 3 mm qui pond ses œufs dans les bourgeons des châtaigniers. Les œufs éclosent durant l’été et les larves se nourrissent à l’intérieur des bourgeons qui conservent leur aspect normal. Elles arrêtent leur développement et passent ainsi l’hiver bien au chaud. Au printemps de l’année suivante, au moment du débourrement des bourgeons (reprise de la croissance), les larves reprennent leur développement et induisent la formation de galles qui peuvent contenir une ou plusieurs larves. En fait la larve émet des toxines ce qui entraine un mécanisme de défense de l’arbre et produit les galles. Les adultes (la guêpe) sortent des galles entre fin mai et début juillet pour ne vivre qu’une dizaine de jours, juste le temps de pondre dans les bourgeons.

Cynips du châtaignier (Dryocosmus kuriphilus) (INRA)

 

Comment est-il arrivé chez nous ?

Le Cynips n’est capable que de voler jusqu’à environ 25 km. La propagation s’est donc essentiellement faite par l’homme via le transport de plants ou de parties de plants (greffons) infestés. On sait aujourd’hui qu’il est apparu au Japon et en Corée en 1940, au Etats-Unis en 1974 et en Europe en 2002 notamment en Italie. En France il a été repéré en 2007 dans le sud de la France (Alpes-Maritimes) où il a d’ailleurs rapidement été éradiqué, puis en 2010 en Ardèche d’où il a colonisé les régions où le châtaignier est le plus présent.

Je possède des châtaigniers, que puis-je faire ?

Le Cynips étant capable de faire chuter la production de châtaigne de 50 à 70%, les chercheurs et notamment ceux de l’INRA ont donc cherché une solution pour endiguer sa propagation ou au moins son impact au niveau local.

En Chine le Cynips a un prédateur naturel, Torymus sinensis, une autre petite guêpe parasitoïde qui pond ses œufs au printemps sur les larves du ravageur à l’intérieur des galles nouvellement formées. La larve de Torymus sinensis se nourrit de la larve du Cynips qu’il tue, réduisant ainsi le nombre d’adultes émergents capables de se reproduire. La méthode consiste donc à faire des lâchers de la « guêpe tueuse de Cynips » mais il faut compter environ 10 ans pour arriver à un contrôle optimal du Cynips selon l’INRA. Les lâchers donnent apparemment de bons résultats et Torymus sinensis serait même en expansion naturellement dans le sud de la France. Ces programmes de lâchers étant onéreux et pour l’instant réservés aux régions productrices de châtaignes, ils demandent aussi une bonne concertation pour éviter les ré-infestations par des zones qui n’auraient pas été traitées.

Torymus sinensis adulte (INRA)

Il reste tout de même quelques moyens de lutte conseillés par l’INRA notamment :

  • Entretenir vos châtaigniers (élagage…) mais pas trop drastiquement, le Cynips s’attaquant en priorité aux arbres affaiblies ;
  • Détruire les galles en coupant les rameaux touchés et les brûler rapidement ;
  • Ne pas commander des Torymus sur internet car il est impossible de vérifier que ce sont bien des Torymus qui sont fournis ;
  • En cas de plantation favoriser des cultivars de châtaigniers peu sensibles au Cynips comme le Belle-Epine ou totalement résistants comme le Bouche de Bétizac.

De nombreuses questions restent en suspens notamment sur les impacts induits du Cynips sur la biodiversité comme sur les insectes pollinisateurs tel que les abeilles et l’ensemble de la faune sauvage pour qui les fleurs et les fruits des châtaigniers sont une importante ressource alimentaire. Le Torymus parasite du Cynips, lui aussi originaire de Chine pourrait très bien s’attaquer à d’autres insectes indigènes (qui appartiennent à la faune française) et créer d’importants déséquilibres.

Le Bois de Verneuil est majoritairement planté de châtaigniers : si vous prenez le temps d’observer, vous pourrez voir les dégâts déjà occasionnés par le Cynips

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